LÉA LUCE BUSATO

LÉA EST ACTRICE. D'ORIGINE ITALIENNE, ELLE VIT AUJOURD'HUI À PARIS. DIGRESSION SUR LE THÉÂTRE, SON ART ET BERNARD MARIE KOLTÈS.

DISCUSSION SOUS L'OBJECTIF DU PHOTOGRAPHE ENZO LEFORT.

pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Léa Luce Busato, je suis d’origine italienne, j’ai grandi à Metz et je vis à Paris depuis 10 ans.  

Je suis actrice. Mes premières émotions de transgression sont apparues avec la littérature et l’écriture, j’y ai découvert le pouvoir de la parole et de la fiction. Au même moment je découvrais la puissance d’incarnation par le théâtre.

J’ai étudié à l’école du Théâtre National à Strasbourg. J’ai ensuite joué en France Quai Ouest une pièce de Bernard Marie Koltès mise en scène par Ludovic Lagarde et j’ai tourné un film en 9 épisodes librement adapté du Dekalog de Kieslowski avec Julien Gosselin, c’est un projet initialement crée pour le théâtre mais avorté à cause du Covid qui sortira en 2023.

Comment abordez-vous votre art ?

Mon rapport au théâtre est performatif, l’acteur est comme une fréquence, en perpétuel mouvement, et qui par une série d’actions fait apparaitre l’abstraction. L’acteur devient une pensée, une image, indépendante de sa propre représentation. C’est dans cette recherche que je m’inscris.

Jouer, penser le jeu et le traverser c’est la permission d’approcher toute compréhension à priori lointaine de ma propre vie, et la possibilité de dépassement de toute chose, pensée ou vécue. Jouer c’est questionner tout sujet, dans tout contexte, libéré de notre place dans le monde. C’est aussi infini que voir et ressentir.

Vous avez joué dans Quai Ouest de Bernard Marie Koltès. Que voudriez-vous nous dire spontanément à ce sujet ?

Bernard Marie Koltès est un auteur Messin, et il est le tout premier auteur que j’ai joué à l’âge de 15 ans. 12 ans plus tard, la première pièce dans laquelle je suis embauchée est une de ses pièces. J’aime les hasards, j’aime tout ce qui fait écho, le sentiment d’évidence. Ça veut dire qu’un mouvement autour d’une chose est déjà crée. 

Le désir a été immédiat de porter son écriture parce que Koltès écrit sur des lieux. Et dans ces lieux, il y a des histoires. Des héritages, de la clandestinité, des personnes qui n’étaient pas faites pour se rencontrer et dont on veut savoir ce qu’elles ont à se dire. C’est un auteur qui écrivait pour le théâtre, pour des corps et des voix en relation et en jeu. Lorsqu’on joue Koltès, on se métamorphose, on est obligé de sortir de soi-même pour rejoindre le rythme de l’écriture, alors apparait à nous le personnage, la pensée, et ce qui motive la pensée à être formulée. C’est précieux pour un acteur de pouvoir faire, à partir de l’écriture, la recherche de la compréhension par l’incarnation. 

Du théâtre au questionnement sur la temporalité, il n'y a qu'un pas. Pensez-vous que de nouvelles histoires sont écrites, ou plutôt que les mêmes sont toujours réécrites et pourquoi ?

C’est une question vertigineuse, et je crois nécessaire au sens strict pour chaque artiste. Elle reste peut-être sans réponse, mais elle permet de se placer à la genèse d’une histoire. Comment apparait-elle, à la suite de quoi, en réponse à qui, etc.

Curieux d'entendre vos sources d'inspiration !

L’Italie dont mes parents sont originaires. C’est un pays, une atmosphère, où s’harmonisent mes émotions d’enfance. Là-bas il y a quelque chose de la sagesse et de la voracité qui s’accorde.

Un livre récent « Les nouveaux anciens » de Kae Tempest. C’est une fable contemporaine qui raconte qu’un jour les mythes ont été des histoires à travers lesquelles chacun se regardait. Aujourd’hui nous vivons ces mêmes histoires, mais nous les pensons étroites alors qu’elles sont tout aussi épiques et pitoyables, et nous toujours à moitié divins.

Les peintures de Bacon pour ses contours indéfinis et illimités et Henri Matisse pour l’émotion dégagée de ses couleurs.

Quelle est votre relation avec les vêtements ? Quels sont les détails qui sont importants pour vous ?

Mon rapport au vêtement varie selon les jours, il peut être le moyen d’exprimer mon sentiment de liberté comme ma volonté de transparence.

Je le désire toujours comme un prolongement de mon émotion plutôt que comme un catalyseur, je m’accorde avec lui mais je ne le veux jamais plus fort que moi.  

J’ai aussi un rapport lié aux souvenirs. C’est comme si la façon la plus juste de m’habiller parfois était quelque chose que j’allais chercher dans le passé, dans une nostalgie de soi-même et dans le plaisir qu’on peut avoir de s’y replonger.

Si vous deviez ajouter une ou plusieurs chansons à notre playlist du mois ?

Alifib de Robert Wyatt et Friends & Foes de Vitalic.

Un mantra pour finir ?

« Fate viva » me dit mon père. Ca signifie montre que tu es en vie.

Léa Luce Busato porte le manteau Fenté 125.

Crédits photos : Enzo Lefort

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