KENNY DUNKAN

KENNY EXPRIME SON ART À TRAVERS DES INSTALLATIONS, DES VIDÉOS ET DES PERFORMANCES. L'ARTISTE NOUS ACCUEILLE DANS SON STUDIO POUR PARLER D'INFLUENCES, DE CARNAVAL ET D'HYBRIDATION.

DISCUSSION SOUS L'OBJECTIF DU PHOTOGRAPHE ENZO LEFORT.

POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER ?

Je m'appelle Kenny Dunkan, je viens de la Guadeloupe où j'ai vécu pendant 18 ans, je suis à Paris depuis 16 ans.

Je suis artiste, je crée des installations, des vidéos, des performances. J'ai étudié à Olivier de Serre, puis aux arts décoratifs. C'était mon rêve, à l'âge de 6 ans je disais déjà à mes parents que je voulais être artiste à Paris.

Ma famille n'est pas une famille d'artistes mais ils sont manuels, ma mère en particulier, mon père est un bâtisseur, un touche-à-tout, qui construit beaucoup de maisons. Ma grand-mère, Didi, m'a aussi beaucoup inspiré, cette façon de détourner les objets, d'être capable de faire quelque chose de beau à partir de rien. Modifier les objets pour changer leur fonction est quelque chose que l'on retrouve dans mon travail.


POUVEZ-VOUS NOUS DIRE OÙ NOUS SOMMES ?

Nous sommes dans mon studio/appartement dans le 10e arrondissement de Paris. C'est un projet post-covid, avec l'idée de tout réunir au même endroit. Cela changera à l'avenir, notamment pour des raisons d'espace.

VOTRE TRAVAIL SEMBLE ÊTRE À LA FOIS MINÉRAL ET ORGANIQUE, MOITIÉ VILLE ET MOITIÉ NATURE. COMMENT LE DÉCRIRIEZ-VOUS ?

Oui, il y a ce côté organique/minéral, toujours cette volonté de transformer l'industriel en organique, de transformation magique. Je pense au carnaval de Guadeloupe, ma première expérience esthétique, et j'ai vu tous ces assemblages de matériaux recyclés, avec des plumes d'autruche, des strass, des plastiques, des paillettes, des matériaux naturels pour obtenir un résultat hybride. J'assemble des objets comme ça, c'est une façon naturelle de faire les choses.

Toujours sur la notion d'hybridation, j'aime détourner les objets pour changer de statut, parfois pour faire de quelque chose de banal quelque chose de sacré, pour apporter du sacré là où on ne l'attend pas, comment on transforme le profane en sacré.

Je pense aussi à l'opposition entre la culture dominante et les sous-cultures. Qu'est-ce que la culture officielle aussi, quel est le statut d'un objet dans cette culture.

Aux Antilles, il y a cette notion hybride de syncrétisme, ce mélange de croyances d'Afrique et d'Europe.


QUELLE APPROCHE ADOPTEZ-VOUS POUR VOTRE ART ?

C'est très intuitif, c'est une question de feeling et d'intuition, comme toute ma vie en fait. Je ne fais pas la différence entre ma vie et mon travail, parce que j'ai l'impression que ce n'était pas un choix, je ne sais pas faire autre chose.

Depuis que je suis enfant, je me consacre à la chose, à la création.

J'utilise beaucoup mon corps, comme support, comme symbole, comme image, un corps politique, sexué, racialisé. Je l'utilise pour défendre un propos, pour pouvoir être qui je veux, pour jouer avec les codes attendus, que je vais détourner.

C'est une question d'émancipation aussi, tantôt je suis dominée par un objet, tantôt je suis dominante comme pour reprendre le pouvoir. Rapport dominant/dominé au niveau de la sensualité, de l'histoire, par la consommation aussi. C'est reprendre le pouvoir sur ces sollicitations. La sensualité d'un corps permet l'intégration de l'organique aussi.

CURIEUX DE CONNAÎTRE VOS SOURCES D'INSPIRATION...

Ma famille, mon enfance aux Antilles avec ses mythes et ses croyances.A travers la scène afro-américaine, je pense à David Hammons, pour moi l'artiste absolu. J'ai pu rencontrer Rashid Johnson que j'aime beaucoup.

Dans le design, Gaetano Pesce.

Dans la mode, dans la haute couture, on retrouve cela dans mon travail, les dégradés de coutures, de broderies, la création d'accessoires. Je pense à cette sculpture de la Tour Eiffel, qui peut faire référence au Paco Rabanne des années 60 et 70.

Beaucoup d'autres, j'ai été très marquée par John Galliano des années Dior, pour son art total, le côté performance, les bandes sonores incroyables, la profusion d'accessoires, le maquillage de Pat McGrath. Je me sens sur la même longueur d'onde que ces personnes.


VOTRE STYLE ? QUEL EST VOTRE RAPPORT AU VÊTEMENT ?

Tout dépend de mon âge, de la période de ma vie. J'ai une relation fétichiste avec les vêtements, j'ai des obsessions pour certaines pièces que je dois absolument avoir, pas forcément liées à la tendance. La tendance, c'est l'obsolescence, on en voit vite trop.

J'aime beaucoup les classiques, j'en ai un certain nombre dans ma garde-robe.

J'ai une obsession pour les proportions, je peux acheter le même classique en M et XXL pour avoir 2 portés différents selon mon humeur.

VOUS AVEZ DES ÉVÉNEMENTS EN COURS OU DES PROJETS FUTURS DONT VOUS AIMERIEZ NOUS PARLER ?

Ma prochaine exposition aura lieu à la mi-octobre, lors de la foire Offscreen à l'hôtel Salomon de Rothschild avec plusieurs expositions personnelles d'artistes. J'ai créé une installation avec des pièces nouvelles et existantes, pour une exploration des sensations visuelles avec du verre teinté, du son, une expérience immersive.

J'enregistre le son de mes sculptures, pour ne pas les perdre, c'est une référence au carnaval, tous ces objets en mouvement.


SI VOUS DEVIEZ AJOUTER UNE CHANSON À NOTRE PLAYLIST DU MOIS ?

"Here come the sun" de Nina Simone, que j'adore. C'est enveloppant, atmosphérique, rassurant.


UN MANTRA POUR FINIR ?

"Tchimbé rèd pa moli" en antillais : Quoi qu'il arrive, allez toujours de l'avant !



Kenny Dunkan porte le pull cloud, le pantalon en jean Ellipse et le manteau Fenté 125.

Crédits photos : Enzo Lefort

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